J'écrivais sur mon dernier message que je vivais sans lien, persuadée de pouvoir avancer sans attache, libre de toute relation. Et bien je me suis trompée. J'aimerais être libre de toute relation, flâner sans m'attacher et avancer seule sur ce chemin. J'aimerais ça pour ne pas avoir à gérer de relations, à m'attacher pour finir par en souffrir. Mais le lien est plus fort que tout.

J'analyse beaucoup, réfléchis tout le temps, me questionne sur tout et n'importe quoi. Mon cerveau est ainsi conçu, je n'y peux rien. Sauf que j'en ai marre. Marre de réfléchir en permanence, d'anticiper tout et rien, d'analyser et de chercher des solutions. Aujourd'hui, je n'aspire qu'à une chose : vivre sans raison et avec raison.

Vivre sans raison car il n'y a pas de mission de vie à trouver, pas de destin à accomplir, pas de monde à changer. Il n'y a rien d'autre que ce qui est le plus précieux : vivre. Et c'est tout. Et c'est déjà beaucoup. Vivre chaque jour l'un après l'autre, profiter sans anticiper et laisser venir ce qui doit être. J'entends ma voix intérieure me murmurer "oui mais". Oui mais si on n'anticipe rien, comment allons-nous vivre dans le futur ? Et les factures à payer ? Et les enfants à soigner ? Et le banquier à rassurer ? Et le client à satisfaire ? Et donc ?

Et donc rien. J'ai confiance en moi, en mon expérience de vie. Lorsque le problème se présentera, je saurai le résoudre, je saurai m'en plaindre, je saurai en pleurer s'il le faut. Inutile d'anticiper, je saurai faire ce qu'il y a à faire.

Vivre sans raison mis à part celle de vivre. Vivre mon lien avec celui qui m'accompagne depuis tant d'années. Même si ce lien est chaotique, distant, pourri, beau, merveilleux, agaçant, ressourçant. J'aime cet homme autant que j'ai pu le détester. Et pour lui c'est la même chose à mon égard. Nous avons voulu quitter l'autre à de nombreuses reprises mais nous n'avons jamais eu ce désir au même moment. L'autre a toujours su se battre pour notre couple, construire ce qu'il fallait, commettre mille et une erreurs jusqu'à trouver la clé de notre lien.

Il l'a trouvé cette fameuse clé qu'il cherchait depuis tant de temps. Nos vacances chez nos amis nous ont aidés. Ils nous ont parlé, avec calme, bienveillance et justesse. Ils nous ont écouté, puis ont verbalisé non pas des conseils mais ce qu'ils voyaient de nous. Leurs paroles m'ont apaisée et permise de reprendre mon souffle. Pour lui, cela l'a aidé à communiquer avec moi, à verbaliser ses pensées et surtout, à faire confiance à sa part sadique.

Car sadique il l'est. Oh que oui ! Il bande comme un fou quand il me fait crier de douleur, quand il voit mon corps se tordre sous les coups, lorsqu'il entend mes supplications. Cela le rend fou, fou de plus de douleurs infligées, de plus de cris. Il ne me baise jamais aussi fort que lorsqu'il me maltraite, me punie, me malmène. Et comme j'aime cela, comme cela me fait jouir. Sentir sa puissance répondre à la mienne, sentir la douleur pure et brutale exploser ma peau autant que mon esprit, me faire submerger par cette vague, ce tsunami de sensations autant détestées qu'aimées, tout cela est d'une énergie comme il n'en existe nul part ailleurs.

C'est cela vivre sans raison autre que celle de vivre. Vivre le sexe, l'orgasme, la violence consentie, la douleur, l'extase. Vivre toutes les émotions qui vont avec : la peur, le désir, la rage, la tristesse, le désespoir, la joie, la plénitude... Vivre sans raison autre que celle de vivre.

Et vivre avec raison. La raison d'être à lui, la raison d'enfin lâcher prise.

Je désire me laisser porter, lâcher la barre et me laisser guider. Et cela me mets en colère. Car j'ai peur. Peur qu'il lâche la barre car il aura plus de peurs que moi. Peur qu’il se laisse submerger par ses envies de rien, qu’il se laisse distraire par ses envies de tout. Peur qu’il se referme à nouveau sur lui-même, oubliant qu’en dehors de son esprit d’autres humains, dont moi, ont des besoins et des envies. Peur qu’il m’oublie en s’oubliant lui-même. Mais si je réponds à cette peur, si je laisse la colère m’éloigner d’elle et donc de lui, je ne vivrais jamais ce que j’aspire au plus profond de moi : le calme, la paix et la sérénité de simplement suivre, se laisser guider et vivre uniquement ce qu’il y a à vivre.

Le chemin sera peut-être long, ou peut-être pas. C’est une question que je ne me pose plus. Je veux vivre sans raison et avec raison. Et jouir de la vie, sous toutes ses formes.

Vivre sans raison et avec raison

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